Bien-être au travail : la responsabilité des managers ?
On en parle souvent ; le bien-être au travail est un sujet clé de notre époque. Pourtant, il semble que le concept soit encore un peu flou pour certains… Alors que les entreprises ont un devoir légal de s’assurer de la bonne santé de leurs salariés, elles sont nombreuses à vouloir aller encore plus loin. Cours de yoga, friandises, table de ping-pong… Tous les moyens sont bons pour rendre ses employés heureux. Sauf de répondre à leurs exigences fondamentales.
Pour nos amis anglo-saxons, la santé physique « wellness » et la santé mentale « well-being » sont deux concepts bien différents. En France, cependant, le terme « bien-être » englobe tout en même temps, y compris donc le bonheur au travail. Et c’est un sujet qui inquiète puisque son inverse, le mal-être au travail, coûte à peu près 13 500 euros par salarié aux entreprises du secteur privé.
C’est pourquoi les services dédiés aux entreprises pour améliorer la qualité de vie des salariés ne cessent de se multiplier : livraison de fruits bio, cours de sport, massage… Certains font dans la démesure, c’est d’ailleurs le cas de Google qui est à la limite de l’infantilisation avec des assiettes de 20 centimètres de diamètre au lieu de 30, dans ses restaurants d’entreprises, pour réduire les portions de ses employés et les garder en bonne santé. Vous trouvez cela abusif ? Les instigateurs de ces idées vous répondent qu’elles viennent d’une demande des collaborateurs, mais est-ce vraiment la bonne méthode pour assurer le bien-être au travail ? Toutes les études faites à ce sujet pointent vers la négative.
Mais, alors, qu’attendent exactement les salariés si le sucre et les jeux ne suffisent pas à leur bonheur ? Selon une étude menée par Actineo, 66% des actifs pensent que leur « lieu de travail est mal adapté à leurs besoins ». Par exemple, 43% d’entre eux aimeraient notamment être équipés « d’un siège ergonomique réglable en fonction de leur anatomie et de leur façon de travailler ».
Mais leurs priorités restent avant tout leur souhait de pouvoir aménager leur temps de travail selon leurs préférences et leur espace de travail. En d’autres mots, le futur du bien-être des salariés est le télétravail et le flex-office (la possibilité de choisir son espace de travail en arrivant le matin).
En réalité, la réponse est encore plus précise que cela. Une étude menée par cinq chercheurs français et québécois révèle que les vraies attentes des salariés vont plus loin que les simples conditions de travail. Le coeur de leur bien-être réside en fait dans les pratiques managériales. Après avoir interrogé près de 1 000 employés issus de grandes entreprises et de PME, ils se sont aperçu que ceux qui avaient l’espace d’être autonome, qui étaient proches de leurs collaborateurs et qui se sentaient compétents et utiles étaient les plus heureux.
Ainsi, on distingue deux variables essentielles : un soutien organisationnel fort, où chaque salarié est considéré comme un individu à part entière et une expression de confiance de la part des managers permettant aux individus d’être autonomes et de se sentir impliqués dans le process de prise de décision de l’entreprise.
En plus de se préoccuper du bien-être de chacun, le manager idéal serait donc capable de donner un cadre et des objectifs à son équipe, tout en lui laissant une latitude pour mener à bien ses missions. Le mico-management quotidien, consistant à vérifier toutes les heures que le travail est bien fait, est donc fortement déconseillé !
« Si on ne recherche pas de managers de qualité, les actions de bien-être sont des coups d’épée dans l’eau » explique notamment Emmanuelle Nave, DRH.
« À quoi bon programmer des cours de yoga quand des managers se comportent mal ? » note à son tour Philippe Rodet, ex-médecin reconverti dans le management de transition.
Finalement, certaines actions visant à favoriser le bien-être sont tellement décalées par rapport à la structure de l’entreprise, qu’elles en deviennent incohérentes et peuvent avoir des effets négatifs, pouvant ainsi cultiver une forme de rancœur chez les collaborateurs, estimant que la bienveillance de la direction est hypocrite.