L’évolution des compétences dans le monde du travail
À l’occasion de l’ouverture du salon de la VivaTech, le mois dernier, la McKinsey Global Institute a présenté sa dernière étude visant à analyser l’impact qu’auront l’intelligence artificielle et l’automatisation sur le monde du travail en 2030.
Alors que la plupart des experts demeurent relativement alarmistes sur le sujet et tendent à annoncer des suppressions d’emplois, l’étude de McKinsey Digital France ouvre un dialogue plus optimiste en anticipant les compétences les plus demandées dans le futur. Le rapport se concentre notamment sur le nombre total d’heures travaillées aux États-Unis et dans 14 pays européens (dont la France). De là, il a fallu mesurer les tâches qui pourront être automatisées, et les relier aux compétences requises pour ainsi estimer leur évolution. En parallèle, une enquête a été menée auprès de 3 000 cadres dirigeants pour comprendre leurs attentes et leurs craintes vis-à-vis de l’automatisation.
Selon McKinsey, le nombre d’heures travaillées en 2030, dans les pays étudiés, progressera de 5%, soit 650 milliards aujourd’hui à 683 milliards en 2030. L’étude nous apprend aussi que, quel que soit le secteur d’activité, les compétences physiques et manuelles et les compétences intellectuelles de base vont défaillir de 14% et 15%, respectivement. Avec le temps, les robots, et l’intelligence artificielle en général, pourront de plus en plus s’occuper de ce type de tâches. Pourtant, aujourd’hui, ces compétences représentent près de la moitié des heures de travail, soit 318 millions sur 650 millions. Elles sont amenées à être remplacées par :
- Les compétences intellectuelles élevées (lecture ou écriture de niveau supérieur, créativité, gestion de projets, etc.)
- Les compétences technologiques (liées à analyse de données, au numérique et à l’informatique)
- Les compétences sociales et émotionnelles (capacité à former et à enseigner, à manager, à s’occuper des autres et à négocier)
Ce dernier point est particulièrement intéressant, car il indique que, à mesure que les machines progresseront, l’être humain, quant à lui, pourra davantage se focaliser sur des compétences strictement humaines, liées au travail.
Cette révolution du travail ne nous est pas totalement nouvelle ; des évolutions de ce type avaient déjà eu lieu avec l’arrivée d’Internet et des ordinateurs. Les nouvelles technologies donnent naissance à des nouvelles catégories de travailleurs, normalement habitués à des tâches plus simples et répétitives et à présent capables de gérer des tâches que l’on pensait réserver aux professions intellectuelles. On peut notamment prendre l’exemple des secrétaires, maintenant appelés « assistants », dont les tâches sont multiples et ne consistent plus seulement à taper du texte.
En s’entretenant avec des cadres dirigeants, les experts de McKiney ont également pu s’apercevoir que certaines entreprises ont anticipé le futur et commencent déjà à privilégier des compétences au potentiel fort. Selon l’étude, les entreprises qui ont compris l’importance de l’évolution des compétences seront celles qui tireront un meilleur profit de l’automatisation et de l’intelligence artificielle. « On constate déjà une bifurcation de la performance entre les entreprises qui investissent dans les compétences les plus adaptées (par la formation, la requalification et le recrutement) et celles qui tardent à prendre des mesures » explique Erica Hazan, responsable de McKinsey Digital France.
Et qui dit évolution des compétences, dit évolution du management. En effet, le modèle pyramidal que l’on retrouve dans la plupart des entreprises de nos jours, n’est pas adapté à une dynamique où les tâches et les compétences complexes sont largement déléguées. C’est notamment pourquoi les entreprises dites « agiles », où les employés sont organisés en équipes flexibles et autonomes, se font de plus en plus nombreuses.
Le plus important, dans le futur, c’est de prévenir et de limiter les inégalités de compétences. « Il faut éviter que ne se crée un déséquilibre majeur du marché du travail : sans un effort ambitieux et concerté en vue de développer les compétences correspondant aux besoins des employeurs, nous ferons face à un déficit de compétences avancées » assure Eric Hazan. De tels écarts seront la cause d’une suppression d’emplois.