Les cadres en mal de reconnaissance
Nous en parlions il y a quelques semaines ; le statut de cadre perd de sa légitimité et peut être amené à disparaître. En parallèle, il semble que les cadres soient nombreux à ne plus être satisfait de leurs conditions de travail et à souffrir d’un mal-être au travail. La cause ? Un manque de reconnaissance pesant, une charge de travail de plus en plus importante et peu d’opportunités d’évolution.
En effet, depuis quelques années, les cadres considèrent majoritairement que leur évolution professionnelle est « stagnante ». Ils sont même 17% à penser qu’elle se dégradera dans le futur. Ce constat touche particulièrement la question des salaires.
En effet, pour une étude visant à évaluer leur satisfaction professionnelle, près de 3000 cadres ont été interrogés sur leurs rémunérations et leurs ambitions salariales. Le résultat est pour le moins choquant : plus de la moitié d’entre eux estime ne pas être payée à la hauteur de leur investissement. Ils sont presque aussi nombreux à penser que leur salaire est inférieur au prix du marché.
Une frustration qui se comprend lorsqu’on entend ces cadres déclarer travailler en moyenne 44,6 heures par semaine. Ainsi, 6 cadres sur 10 se voient sacrifier une partie de leurs vacances et de leurs week-ends au profit du travail. La raison principale de cette situation est la multiplication des outils numériques, permettant à chacun de rester connecté à son travail n’importe où. L’hyper-connectivité pousse ainsi les individus à vérifier leurs mails et répondre aux appels professionnels même pendant leur temps libre.
Le manque de reconnaissance ne se fait cependant pas uniquement ressentir sur les salaires. Près de deux tiers des cadres pensent ne pas être suffisamment associés aux choix stratégiques de leur entreprise. Ils déplorent cette situation expliquant que leur hiérarchie ne leur donne pas un rôle contributif et va même jusqu’à ignorer leur expertise professionnelle. La conséquence ? Ils sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur l’utilité de leur travail.
Cette frustration est également exacerbée par le fait que certains choix et certaines pratiques de leurs entreprises ou de leurs managers, pour lesquels ils ne sont pas consultés, vont souvent à l’encontre de leurs valeurs et leur éthique professionnelle.
Enfin, près de trois quarts des cadres déplorent des pratiques managériales de plus en plus inefficaces et négatives. Ces derniers expliquent notamment que les critères sur lesquels leurs performances sont jugées sont inadaptés et que les évaluations en général manquent de transparence.
Pour le sociologue Denis Monneuse, la racine du problème est bien plus profonde et que la détérioration des conditions de travail n’est le seul élément en cause de ce mal-être général chez les cadres. Ce dernier explique que les cadres sont des individus ayant souvent fait de longues études dans l’ambition d’occuper des postes intéressants, enrichissants et pleins de sens. Pourtant, avec les nouvelles technologies, beaucoup de métiers ont changé et le maître mot est à présent la réactivité et non plus forcément la réflexion.
Dans un environnement où l’urgence prime et où chaque tâche est à accomplir dans l’heure, l’importance du travail bien fait se perd. Monneuse explique notamment que le « réflexe remplace la réflexion ». Cette frustration de ne pas pouvoir pleinement utiliser ses capacités intellectuelles et produire du travail de qualité serait donc la véritable origine de cette insatisfaction générale.
Et cette situation peut rapidement avoir des conséquences sérieuses sur les entreprises. 6 cadres sur 10 envisagent notamment de démissionner, et 2 sur 10 songent même à la démission « régulièrement ». Les entreprises devront donc redoubler d’efforts pour éviter les pics de turnover.