Trois individus discutent autour d'une table couverte de documents.

Les années d’expérience d’un candidat ne garantissent pas le succès d’un recrutement

Chad H. Van Iddekinge, professeur à l’Université d’État de Floride et expert en management en ressources humaines, a réalisé et analysé, avec l’aide de ses collaborateurs, plus de 80 études permettant d’établir un lien précis entre l’expérience et la performance.

On a naturellement tendance à penser que si un candidat possède une grande expérience dans un domaine donné, il a plus de chances de réussir sur un poste dans le même domaine. Or, les conclusions de Van Iddekinge tendent à prouver qu’il n’y a en fait aucune corrélation entre le succès d’un collaborateur et son expérience passée.

Aristote lui-même était arrivé à la même conclusion, expliquant que l’expérience seule n’a pas de valeur avant qu’elle soit transformée en connaissance. On appelle d’ailleurs cette transformation la « courbe aristotélicienne de l’apprentissage ».

Pourquoi l’expérience n’est-elle donc pas plus significative dans la prise de décision d’un recrutement ? Premièrement, Van Iddekinge et son équipe ont observé que l’expérience était souvent jugée trop superficiellement par les entreprises. Elles tendent à se poser des questions trop simples : le nombre d’expériences, le temps passé dans chaque entreprise, etc. Le problème, c’est que les réponses à ces questions ne permettent que de déterminer l’existence d’une expérience et sa durée, mais elle ne permet pas de la qualifier efficacement. Qu’est-ce que cette expérience a permis au candidat d’apprendre ? Comment son expérience chez son ancien employeur lui a-t-elle permis de monter en compétences ?

Van Iddekinge explique : « L’un des postulats de base dans notre domaine de recherche, c’est que les comportements passés prédisent les comportements futurs. Or l’expérience n’est pas une mesure comportementale. »

En parallèle, l’étude a démontré que l’expérience et le temps passé dans une entreprise donnée ne permettent pas de prédire la rétention dans une autre entreprise. En d’autres termes, ce n’est pas parce qu’un candidat passe 10 ans de sa carrière dans la même entreprise qu’il restera également 10 ans dans une autre. Il faut prendre en compte le fait que deux entreprises au secteur d’activité similaire peuvent être très différentes (culture, organisations, management, etc.)

Dans leurs études, Vand Iddekinge et son équipe ont également analysé le lien entre l’expérience et la performance à différents intervalles de temps : trois mois, deux ans et cinq ans après l’embauche. S’il n’y a en effet aucune corrélation après deux ans et cinq ans, il semble qu’elle soit plus significative à trois mois. Pourquoi ? Il semble que l’expérience aide les salariés à réussir leur intégration dans un nouveau poste. L’habitude de travailler en entreprise leur permet notamment d’être opérationnels rapidement. Au fil du temps cependant, l’expérience passée a de moins en moins d’impact sur la performance, jusqu’à n’en avoir plus du tout.

Pourtant, l’expérience reste l’un des critères principaux de recrutement pour les entreprises. Une étude de Monster a montré que plus de 8 annonces sur 10 listaient l’expérience comme une exigence. Elle est tout autant importante pour les postes à faibles compétences. Le problème est que le marché actuel est fortement impacté par la pénurie de talents, et les entreprises ne peuvent se permettre de passer à côté de bons candidats en écartant ceux qui n’ont pas, à première vue, suffisamment d’expérience. Il est temps d’évaluer les candidats différemment !

Il faut notamment évaluer l’expérience des candidats sous un nouveau prisme : « Parlez-moi d’une situation précise que vous avez dû gérer chez votre ancien employeur. Quels ont été les résultats ? » « Avez-vous déjà eu affaire à tel cas de figure ? Qu’avez-vous fait ? », « Parlez-moi d’un échec dans votre carrière. Qu’avez-vous appris ? » etc. Il faut analyser les comportements passés et non la durée des expériences. Beaucoup de recruteurs et d’entreprises font l’erreur de penser qu’un certain parcours de carrière dénote de certaines compétences et d’une certaine personnalité. On peut parfois faire des raccourcis dangereux : « Notre meilleur employé a eu telle et telle expérience, je dois donc trouver un candidat avec un parcours similaire, voire identique ». Or, le meilleur collaborateur se caractérise par bien plus que son parcours : ses compétences, sa personnalité, ses softskills, etc. Il faut donc évaluer ces critères-là, individuellement.

En 1998, Frank L. Schmidt, professeur à l’Université de l’Iowa, et John E. Hunter, professeur à l’Université de Michigan, ont créé la « méta-analyse de Schmidt & Hunter ». L’étude a établi la liste des méthodes à appliquer pour prévoir la performance d’un candidat lors d’un recrutement :

  • L’évaluation en situation professionnelle ;
  • L’évaluation de l’intelligence cognitive ;
  • L’entretien structuré ;
  • L’évaluation de l’intégrité.

En 2016, avec l’aide d’autres experts, la liste a été mise à jour en confirmant la pertinence de chaque méthode et en plaçant l’évaluation de l’intelligence cognitive en première place.

Pour conclure, on peut dire qu’il vaut mieux éviter de mettre en place des critères d’évaluation trop généralistes, car ils tendent à être peu pertinents. L’idéal pour les entreprises est de décortiquer le comportement et les compétences de leurs meilleurs collaborateurs et d’analyser ces critères individuellement chez chaque nouveau candidat. Cette méthode permet également aux entreprises de personnaliser leurs recrutements en les optimisant en fonction de leurs propres besoins.

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