Le management par les points forts
C’est un phénomène universel : nous avons tous tendance à nous focaliser beaucoup trop sur nos points faibles et nos lacunes, plutôt que sur nos points forts et nos succès. Et ce déséquilibre commence d’ailleurs très tôt, puisque dès notre entrée à l’école on nous encourage à viser la moyenne dans toutes les matières plutôt que de viser l’excellence sur celles que l’on aime le plus et dans lesquelles nous sommes les plus naturellement à l’aise. D’ailleurs, les parents comme les professeurs sont plus enclins à se concentrer sur les mauvaises notes que sur les bonnes.
Malheureusement, ce processus se poursuit jusque dans nos vies d’adultes, en entreprise. Là, ce sont nos managers qui s’échinent à nous faire évoluer sur nos points faibles (nos « points d’amélioration » comme on les appelle maintenant) plutôt que de nous laisser nous perfectionner sur nos points forts. C’est pourquoi les entretiens annuels portent majoritairement sur les lacunes des collaborateurs et les actions de rectification à mettre en place, au lieu de chercher à approfondir les points positifs.
En effet, il est facile d’arriver à la conclusion que, pour progresser dans un domaine où l’on a des lacunes, il faut y passer beaucoup de temps et d’énergie. Ce mode de pensée n’est pas nécessairement faux, en revanche, cette approche peut rapidement développer de la frustration et les résultats donnés ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu’on espère.
Marcus Buckingham, auteur anglais et conférencier, explique ainsi qu’en se focalisant sur les faiblesses d’un individu et non sur ses forces, on néglige alors son potentiel naturel : « Lorsque vous caractérisez quelqu’un par ses points faibles, vous le caractérisez par ce qu’il n’est pas. »
Ainsi, l’effort investi dans les actions correctives se fait au détriment de l’optimisation et de l’évolution de nos compétences et qualités fortes. On se prive alors d’atteindre l’excellence, plus facilement atteignable sur les domaines que l’on aime et sur lesquels on démontre des capacités naturelles.
C’est sur cette même base de réflexion que Tom Rath, auteur américain spécialisé en bien-être en entreprise, a créé la formule mathématique suivante : compétences x temps investi = performance.
Voici un exemple pour illustrer ce calcul : prenons un individu dont les compétences en comptabilité sont de 2 sur 5 et les compétences en vente sont de 4 sur 5. Il montre alors un intérêt prononcé pour la vente et il semble aussi évident que la comptabilité est loin d’être sa discipline favorite. S’il décide cependant de passer 10 unités de temps sur chacun de ces domaines, dans l’objectif de progresser, il arrivera à 20 en comptabilité et 40 en vente. Soit le double de performance en vente avec, en plus, davantage de plaisir et moins d’efforts.
Ainsi, le management par les points forts voudrait que son N+1 se concentre davantage sur ses compétences en vente, pour l’aider à atteindre l’excellence et en faire le meilleur vendeur de l’entreprise. Cette stratégie est non seulement intéressante pour l’entreprise en elle-même, mais également pour le collaborateur. En effet, ce dernier voyant que les résultats atteints sont à la hauteur, voire bien supérieurs, aux efforts fournis, il en retirera une plus grande satisfaction et sera deux fois plus motivé pour continuer à progresser.
Face à un manager qui, au contraire, ne se concentre que sur ses points faibles, le collaborateur peut vite se démotiver, passant plus de temps et d’efforts sur des sujets qui l’intéressent moins et qui ne lui apportent pas les résultats attendus.
Selon une étude réalisée par l’organisation américaine Gallup, les collaborateurs peuvent se montrer jusqu’à 25% plus engagés face à des managers qui savent valoriser leurs forces plutôt que de se focaliser sur leurs faiblesses.
Attention, cela ne veut pas forcément dire que les faiblesses doivent être complètement ignorées. Surtout si ces faiblesses touchent à des compétences dites « incontournables ». Aussi appelées « points incontournables » ou « point de survie », elles désignent les compétences nécessaires à notre employabilité. Si ces compétences sont délaissées et jamais développées, on perd notre valeur sur le marché du travail et on met notre carrière en péril.
Enfin, il existe un autre point sur lequel les managers devraient se concentrer : « le point enviable », c’est-à-dire le point que l’on admire chez les autres et que l’on aimerait nous aussi avoir. En effet, il serait intéressant pour les managers de demander à chaque membre de leurs équipes la question suivante : « Quelle compétence vois-tu chez d’autres que tu aimerais toi-même acquérir ? »
Si une relation de confiance est installée entre le manager et le collaborateur, il n’aura aucun mal à répondre honnêtement. Cette même réponse permettra ainsi au manager d’identifier un levier de motivation pour aider le collaborateur à s’améliorer. Ce dernier verra un bénéfice net à progresser sur une compétence qu’il trouve enviable et intéressante, et cette évolution se fera ainsi sur la base de sa propre volonté. Rappelons aussi que la motivation est la base de l’apprentissage.
Pour conclure, on peut dire que bien que les points faibles ne sont pas à négliger, c’est bien l’évolution des points forts qui contribuent à la motivation et au bien-être des individus. Ce sont ces forces qui les rendent uniques et qui leur donnent la volonté et l’énergie nécessaire pour se dépasser et atteindre l’excellence.