Recrutement prédictif : ses points forts et ses dangers
C’est le nouveau terme à la mode en ressources humaines : le recrutement prédictif. En plus de fasciner, c’est un sujet qui inquiète puisqu’il vient reposer sur le tapis la fameuse question : « Et si on finissait par tous être remplacés par des robots ? »
Pour commencer, il nous faut d’abord expliquer ce qu’est précisément le recrutement prédictif : c’est une méthode de recrutement qui s’appuie sur la comparaison de données permettant de prédire la réussite des candidats au sein d’une entreprise et d’un poste donné. Cette comparaison est effectuée par des algorithmes, capables d’exploiter l’ensemble des informations nécessaires afin de déterminer si un candidat « fit » aux attentes des recruteurs. Ils prédisent notamment la capacité du candidat à être performant, mais aussi sa potentielle pérennité au sein de l’entreprise.
Le recrutement prédictif est donc avant tout basé sur la création de modèles, permettant d’identifier les facteurs-clés de performance attendus par l’entreprise. La plupart du temps, ces modèles sont établis à partir d’anciens collaborateurs qui correspondent au poste donné et à la culture de l’entreprise sur plusieurs niveaux : les compétences, les performances, l’expérience, les soft skills, le caractère, les facteurs de motivation, etc.
L’objectif, en plus de trouver une personne avec les qualités requises pour réussir, est de pouvoir intégrer un candidat qui sera heureux dans l’entreprise et qui pourra s’y épanouir sur le long terme. C’est pourquoi il est important de se focaliser sur les traits de personnalité et sur les motivations professionnelles.
Pour que cette méthode soit efficace, elle doit réunir deux principaux paramètres :
- Les entreprises doivent être capables de définir précisément les critères à évaluer en fonction de leurs besoins
- Les données doivent être pertinentes et correctement collectées pour que les algorithmes délivrent des résultats efficaces
Si ces deux critères sont réunis, le recrutement prédictif présente de nombreux avantages :
- Une diminution du nombre de candidats vus en entretien, pour ainsi privilégier la qualité à la quantité et faire gagner du temps aux entreprises ;
- Une diminution du turnover, puisque le recrutement prédictif adopte une vision sur le long terme ;
- Une augmentation significative de 15% en moyenne de la performance des nouveaux collaborateurs.
Cependant, le problème avec cette méthode, comme pour toutes celles qui nécessitent l’intervention de l’intelligence artificielle, est qu’elle peut enlever l’aspect humain au recrutement. En vérité, l’objectif premier du recrutement prédictif est de simplifier l’étape de pré-sélection des candidatures. Il n’est en aucun cas capable d’identifier LE candidat idéal, cette tâche en incombe toujours au jugement humain.
L’intelligence artificielle est avant tout un outil pour aider les recruteurs, elle n’a pas nécessairement pour vocation de les remplacer. Et il est important de se rappeler que la technologie n’est pas infaillible, et peut parfois aussi commettre des erreurs surtout lorsqu’il s’agit de l’appréciation de la personnalité d’un être humain.
Le recrutement est avant tout une histoire de relations humaines et de dialogue. La machine est là justement pour laisser plus de place à cet aspect du métier de recruteur, en permettant d’accélérer les étapes les plus fastidieuses.
Aujourd’hui, le recrutement prédictif doit être mis en place pour prédire avant tout le potentiel comportemental des candidats. En effet, il a été prouvé que dans 90% des cas les échecs de recrutement ne sont pas liés aux compétences techniques des collaborateurs mais bien à leur comportement. Selon Mark Murphy, auteur américain de « Hiring for Attitude », les comportements indésirables responsables du turnover en entreprise sont :
- L’incapacité à accepter les critiques (26%)
- Le manque d’intelligence émotionnelle (23%)
- Le manque d’ambition et de motivation (17%)
Il ajoute que seulement 11% des échecs de recrutement sont à attribuer à un manque de connaissances et de compétences techniques.
Le véritable challenge est donc de prédire la capacité d’un candidat à s’adapter à la culture de l’entreprise, aux méthodes de son potentiel futur manager et à l’ensemble de l’équipe. Privilégier le savoir-être au savoir-faire via le recrutement prédictif peut avoir plusieurs conséquences.
Pour commencer, cela peut créer des problèmes de diversités. En basant tous ses recrutements sur le même modèle de profil et de caractère, on court le risque de se retrouver dans une entreprise de clones. Or, pour se développer et réussir, une entreprise a besoin de diversité. Il est important également de parler de l’importance de la complémentarité et de la différence des personnalités dans les projets de groupe. La différence est souvent une force, et il serait dommage pour les entreprises de s’en priver ! Cette homogénéisation des recrutements peut finir par devenir un frein à l’innovation et la croissance.
Enfin, on peut finir par se poser la question du coût. Le recrutement prédictif se veut être solution permettant de réduire les coûts des process de recrutement, or l’utilisation de l’intelligence artificielle et de la Big Data est loin d’être bon marché. Surtout quand on sait qu’il n’y a pas de meilleur que l’être humain pour juger une personnalité et un caractère. Ces sommes dépensées dans les nouvelles technologies ne seraient-elles pas mieux investies dans le capital humain de l’entreprise ? C’est-à-dire dédier ces coûts pour correctement former les recruteurs et leur apprendre à faire du recrutement prédictif comportemental à échelle humaine, via les entretiens.
Pour conclure, on peut dire que le recrutement prédictif est une méthode surtout intéressante pour gérer un très grand volume, mais il est important de comprendre ses limites. Il est aussi important d’apprendre à changer notre vision des nouvelles technologies et de l’intelligence artificielle ; elles peuvent représenter des atouts, selon le contexte, à nous d’apprendre à les utiliser correctement.